Vendredi 18 septembre 2020

Après un coup de fil depuis un bistrot sur les quais au seul numéro qu’on avait emporté sur notre périple, on monte dans la voiture de Jean-Marc qui nous ramènera à Confolent Port Dieu, point de départ de notre périple qui nous a ébloui les 15 derniers jours. Il ne nous parle pas beaucoup, il sait. Il ne sait que trop bien ce que nous avons vécu. On quitte Argentat, la tête pleine…

Samedi 5 septembre 2020 

L’été entame ses derniers jours. En cette année 2020 une épidémie meurtrière a touché le monde provoquant des milliers de morts mettant l’humanité entière à rude épreuve. Avec Colette nous avons décidé la veille de remplir nos sacs à dos et de prendre le large direction la plus belle vallée du monde pour y entamer l’Itinerêve. Deux cents kilomètres de découverte pédestre pour nous réconcilier avec ce qui est beau, bon et réparateur. On part avec le minimum : duvets, tente, réchaud, gourdes, couteau et quelques denrées légères. Un bon topo guide, quelques €uros, trousse de premiers secours et quelques vêtements protecteurs complètent le chargement. La voiture restera près de la chapelle à Confolent et le téléphone aussi. On coupe. Tout. Et on ne se connectera qu’avec la nature. Omniprésente. Inquiétante pour certains, rassurante pour nous. Puissante pour tous. Dés les premiers kilomètres, la magie opère. On atteint la bordure du Plateau Bortois et on bascule dans un autre monde. A 50 kilomètres de chez nous. A partir de là, seul les balisages jaune et blanc nous guident. C’est un voyage dans le passé de Colette aussi car on passe dans sa ville natale, Bort les Orgues, saluer une mémoire. Celle de ses origines. Ineffaçable. Les journées de marche s’enchainent. Monéstier, Sarroux-Saint Julien, Liginiac, … Bien sur que les premiers jours tirent sur les muscles mais il faut passer par là pour retrouver les sensations d’un corps qui fonctionne. On croise des gens du pays, on échange. C’est la coutume par ici. Certains jours on reçoit les cadeaux de la nature sous forme de fruits d’automne. Pommes, noix , châtaignes complètent les produits qu’on peut acheter chez quelques producteurs qui ont choisi de refaire leur vie ici, près de cette rivière Dordogne. Simplement, sans vouloir faire fortune si ce n’est que richesse de bonheur… 

Richesse des paysages aussi. Des points de vue plus époustouflants les uns que les autres s’étirent devant nos yeux. Certains endroits nous semblent encore habités par les générations qui ont foulées ces terres. Un petit pont, un moulin abandonné ou un séchoir à châtaignes sont les vestiges de ce passé.

Les nuits sont au moins aussi belles que les jours. Un plafond d’étoiles rien que pour nous dans ce ciel de fin d’été, clair, pur et décoré par des étoiles filantes nous emporte gentiment vers le sommeil mérité et réparateur.

Ne pensez pas que dans la vallée de La Dordogne tout est facile ou rose! Tout au long de notre périple quelque 5 ou 6 orages pas piqués des vers nous ont poussé sans ménagement sous la toile de tente ou dans une grange abandonnée! Ou ce chien un peu retors qui a confondu mes mollets avec les jarrets des vaches Limousines de son maître…

Au fur et à mesure de notre avancée le calme du milieu nous a apaisé, réconcilié avec le monde qui nous entoure. On lâche prise comme on dit. C’est le but.

En quinze jours nous avons touché la civilisation que quelques fois pour acheter du pain et un peu de nourriture. Ça ne nous a pas fait défaut.

Au point que vers la fin du périple on a commencé à trainer un peu, de peur que notre bonheur prenne fin. La veille de notre arrivée à Argentat on s’est installé dans une petite clairière à flanc de coteau quand mon œil à repéré un mouvement en contrebas. Un gamin de 3 ou 4 ans, habillé comme un petit berger équipé d’un petit bâton sculpté à sa taille gardait deux chèvres en compagnie de deux chiens. En regardant mieux j’ai aperçu une jeune femme habillée de mille couleurs chatoyantes installée contre un tronc d’arbre, un livre sur les genoux.. La scène était magnifique et touchante. Une larme de pur bonheur a coulé sur ma joue, puis deux… Cette Vallée, cette randonnée nous a réconcilié avec ce que nous avons de plus précieux : La Vie. 

On est remonté sur le plateau, regonflé à bloc. Pour donner un coup de fil. 

A Jean-Marc. 

On rentre…

Chris BOGAERTS