Nous avions marché prés de 40 kilomètres depuis Confolent …
Les jambes étaient lourdes, les mollets durcis, les genoux martyrisés par le dévers constant, mais la tête pleine d’images fabuleuses de cette majestueuse vallée et de son patrimoine.
Nous étions partis le matin de bonne heure, Daniel, Patrick, Fanfan et moi, un cinquième aurait du finir l’équipe mais au dernier moment, il avait tapé en touche, il nous avait fait une « Billite ».
Bref, nous étions enfin à Bort-Les-Orgues, qui se distingue notamment par sa « jolie halle aux grains », où nous attendait Patoune, comme un Saint-Bernard et son petit tonneau.
Fourbus mais heureux, assis à la terrasse d’un café en comptant nos ampoules, une ou deux petites bières et nous décidâmes d’accéder à la proposition Patounesque.
C’était : Dormir au Pod de Saint-Julien, libre cette nuit là et idéalement adapté à notre groupe, avec ses 4 couchages et tout le nécessaire pour une étape confortable, agrémentée de la touche de Patoune, un peu de pain, de pâté, de confiture et …. Quelques bières !
Cet hébergement original, dédié aux marcheurs et très bien équipé a un autre avantage, qui est son emplacement au site de Saint-Nazaire. Un des sites emblématiques de l’itinérève qui offre un panorama époustouflant sur la retenue de Marèges et la confluence entre Dordogne et Diège.
Ni une, ni deux, nous voici à Saint-Nazaire à tombée de nuit, pour un repos bien mérité.
Les pizzas achetés à Bort en passant furent vite avalées, accompagnées par les mêmes redondantes histoires de l’association mais qui nous font toujours autant rigoler.
Une dernière petite gorgée, bonne nuit à Patoune, quatre bises et tout le monde au lit …
Le marchand de sable n’eut même pas le temps de débarquer … Les 4 loustics dormaient déjà …
Mais, quelques heures passées, saisi par une soudaine envie de rendre un peu de bière à dame nature, je me réveille au beau milieu de la nuit.
Sans bruit je m’extirpe de mon sac de couchage et sort du Pod pour satisfaire mon besoin naturel.
La nuit est belle, elle est sauvage et je pisse comme je pleure sur les femmes infidèles, ça y-est je m’égare …
Pardon …
Je me retrouve donc dans cette nuit claire, surplombant le lac dans lequel la lune se reflète et les bruits alentours inquiétants ne sont pas habituels, d’ailleurs un loup et un hibou, ça fait pareils « hou, hou » ???
Cette atmosphère pourrait facilement effrayer un parisien, mais comme ça tombe bien, je n’en suis pas un, je résiste à l’envie de vite rentrer au Port, non au Pod.
Je profite encore quelques instants de cette ambiance particulière et c’est juste avant de pousser la porte du Pod qu’il me semble entendre un cri remontant de la vallée …
J’hésite, un peu, un peu plus, et puis non, c’est trop bizarre, j’ai bien entendu quelque chose.
Je retourne en surplomb et m’assied sur une souche, tous les sens en éveil, enfin les 5 et c’est déjà pas mal …
Je ne sais plus combien de temps je suis resté là, lorsqu’une lueur au loin me fait prendre conscience que la nuit est presque finie.
Les bruits de la pénombre s’éloignent, mes pensées aussi, je fantasme :
Je suis en voiture, filant à vive allure sur un parquet de bowling pour réaliser un Strike parfait de « i » : Sarkozy, Platini, Cohn-Bendit, Ruji, Dati, Joly, Ciotti, Aubry, Balkany mais la présence anormale de Fillon me tire de mes pensées en même temps que le même cri déchire définitivement mon fantasme.
C’est quoi ? C’est qui ?
Prenant mon courage à deux mains, je progresse en descendant dans la pente abrupte vers l’eau.
Je m’arrête régulièrement pour écouter et entends à nouveau ce qu’il me semble être un appel, pas très loin cette fois.
Reprenant ma progression dans la pente au milieu des buissons et autres bruyères, j’arrive enfin sur un replat et là, stupéfaction, un homme, non, un gamin et un troupeau de chèvres et de moutons qui pâture les quelques herbes ici et là.
Celui-ci est un peu étonné de me voir sortir de nulle part, l’étonnement est partagé.
Présentation faite, il me raconte qu’il garde son troupeau, ce matin avant d’être remplacé par son père qui lève actuellement ses filets de pêche un peu plus bas.
Je remarque qu’il porte des sabots de bois et des vêtements d’un autre âge.
J’apprends qu’il habite au bord de l’eau, avec son père sa mère et 4 frères et sœurs.
Qu’ils vivent de pêche de chasse et du maigre troupeau, là devant moi. Je n’en crois pas mes oreilles.
La rivière est son domaine, elle leur donne tout ce dont la famille à besoin, ils sont heureux comme cela.
Alors je pense à nous, au Covid19, à Macron, Trump, Kim Jong Il, au monde actuel de l’argent, de l’avoir plutôt que de l’être, à la disparition des espèces, à me too, aux valeurs de notre association …..
Puis, soudain, un appel nous parvient, c’est sa mère qui l’appelle, car me dit-il, c’est l’heure de partir vers Roche-Le-Peyroux pour l’école.
Je me frotte les yeux et avant qu’il ne me quitte, je lui demande quel est son nom … Jean-Marc me réponds-t-il avant de courir dans la direction de l’appel.
Je ne sais plus quoi penser et il me semble même entendre le bruit d’une Dordogne qui coulerait, tout en bas …
Je me penche pour bien entendre et à cet instant précis je prends une violente claque dans le dos.
C’est Fanfan : « Tu nous emmerdes, tu ronfles » …..
Philippe MOULIN