Il était une fois…… la Dordogne, sur laquelle naviguaient des gabares, bateaux à fond plat pour fleuves et rivières, et qu’on nommait chez nous « courpets ». Ils étaient menés par d’intrépides gabariers qui risquaient leur vie à chaque « malpas »,
Depuis le Moyen-Age jusqu’au début du siècle dernier ces embarcations partaient de nos gorges profondes et descendaient jusqu’en Basse-Gascogne. Elles alimentaient les vignobles du bordelais en piquets de vigne (échalas) et bois de tonnellerie (merrains), châtaignes, fromages, cuirs et bois de diverses essences.
Le développement du rail et de la route fut fatal à ce mode de transport.
Dans les années 1990 quelques personnes soucieuses de ce que représentait ce patrimoine, décidèrent la construction d’une gabare. L’A.G.A. (Association des Gabariers d’Argentat) était née.
Dans les archives de la batellerie nationale retrouvées à Conflans-sur-Seine, un écrivain argentacois Euzèbe Bombal (1827-1915) nous a laissé plans de gabare et écris sur la vie des gabariers. Grâce à ceux-ci,
le chantier de construction est lancé. Les forêts de la région sont arpentées pour dénicher les 23 arbres munis d’une branche la plus perpendiculaire possible au tronc, et qui va servir à assembler la sole avec les bordées. Ce seront les 23 ‘courbes’ formant l’ossature, une caractéristique unique de ce type de bateau.
Le chantier est mené par un charpentier de marine sur les quais d’Argentat,
Un an et demi plus tard, en mai 1998, une foule nombreuse applaudissait la mise à l’eau de ce « courpet », gabarre de Haute-Dordogne. Quelle était belle, flottant sur cette Dordogne qui venait de l’accepter au même titre que celles d’antan …
Puis trois ans ont passé : attachée à ces quais, montant, descendant suivant l’humeur de cette Dordogne
Capricieuse, elle attendait son heure, avec des fourmis …dans les rames !
Puis de novices matelots s’improvisent « gabariers » avec enthousiasme et ardeur : un chef gabarié à la « gouverne » et 4 rameurs bravèrent la crainte de la détacher du quai afin de se familiariser à sa manœuvre, en commençant par des allers-retours le long des quais.
« Ma foi, c’est pas si compliqué que ça ! »
Mais à force de tourner en ronds, on est vite blasé…
Après réflexion, pourquoi ne pas la lâcher au milieu de la rivière et aller plus loin ? Une descente est donc organisée jusqu’à Beaulieu.
Le jour J vient d’arriver. Un lâcher d’eau du barrage est demandé pour avoir le débit nécessaire à la bonne flottaison et c’est parti…. L’équipage est un peu fébrile mais quand c’est parti, c’est parti … !.
Les petits rapides et les courbes sont bien négociés malgré quelques montées d’adrénaline dues à la vitesse, impressionnante pour cette masse qui ondule suivant les remous et les plats .
Au bout d’une heure et demie on aperçoit le clocher de la Chapelle des Pénitents. Le but est atteint et l’équipage est fier de son exploit. Une pensée pour ces gabariers d’antan qui maîtrisaient ces courpets avec un chargement de 20 T et seulement 10 cm de bordée.
Après cette aventure la gabare naviguera tous les étés 2 fois par semaine jusqu’en 2014 devant les quais d’Argentat, non seulement pour le plaisir des promeneurs, mais également celui des gabariers rameurs.
Maintenant, pour ses vieux jours, elle est exposée sur les quais, témoin toujours tangible de cette époque révolue.
Le Festival des Bateaux de Fleuves et de Rivières, qui se déroule à Orléans sur la Loire tous les 2 ans, est venu nous l’emprunter trois fois. La première fois elle a reçu le 1er prix des bateaux de reconstruction archéologique. La troisième fois, à sec sur le quai, elle a été particulièrement remarquée et commentée.
Les gabariers de ERC