Le chemin décrit n’existe pas. Et pourtant il est bien réel.

Façonné par les siècles, évoluant selon les paysages et les hameaux, il s’ouvre à nous.

Nos pères nous l’ont légué, taillé par les entrailles du temps. Révélant autant de repères que le petit Poucet a pu semer de cailloux pour ne pas se perdre, il s’impose ; c’est une évidence.

Epousant le fleuve, il ne se lasse pas de nous émerveiller. Et ses curiosités anthropiques rivalisent avec ses curiosités naturelles.

Les Orgues de Bort étonnent de sonorités éclatantes, surprenant le promeneur attardé de ses plaintes aux compassions dictées par le souffle d’un vent capricieux.

Tout de pierres aussi, le château de Val rappelle les savoir et savoir-faire de l’homme, bâtisseur du Moyen-âge, héros d’un temps de réalités aujourd’hui abolies.

Détonne le « Géant », magnifique muraille d’une enceinte moderne – le barrage hydroélectrique de Bort-les-Orgues.

Lové sur la berge, dominé par les collines altières, ce chemin se déroule, révélant de nouvelles découvertes.

Surplombant, le site de Saint Nazaire présente son chemin de croix. La religion communie avec l’œuvre humaine, la foi avec la nature.

Les panoramas, partout, s’offrent à nous ouvrant des horizons verdoyants bercés d’une lumière apaisante. Le regard est attiré par mille et une curiosités, les paysages s’ouvrent aux promeneurs, de loin, de près, à côté… ou sous les pieds, foulant d’une réalité concrète un trajet de bonheur.

L’Aigle est là, impétueux barrage, symbole de Résistance. N’oublions pas la majuscule, de Grands Hommes se sont battus, qui méritent grandement Reconnaissance.

Spontour s’ouvre à nous, livre son passé batelier et ses chantiers de construction de gabares. Autrefois les pêcheurs abondaient et les pêches étaient miraculeuses !

Fleuve, ô fleuve, que reste-t-il de ton passé ? Qui répondra aux mystères légués par des générations d’hommes qui t’ont exploité, côtoyé, partagé ? Nous tous sans doute. Toi sûrement.

Mais attention, ne relâchons pas notre regard : d’autres réalités s’imposent à nous. Une succession de méandres est le vestige d’un des derniers malpas – ces mauvais passages – tant redoutés par nos aïeux gabariers. Voici la « Despolha », à l’origine de tant de drames et d’accidents de gabares. Heureusement, nous ne l’affrontons qu’à pied sec…et d’assez loin, sur notre chemin !

Dévalant notre itinéraire, avalant le parcours, dévorant les repères offerts par dame Nature ou dressés par l’Homme, nous abordons une immense retenue d’eau. Elle aussi est initiée par un colosse aux pieds de…béton : le barrage du Chastang. Sur la rive gauche, la ville médiévale et le château de Servières dominent. Sur la rive droite, Saint Martin-la-Méanne est juchée entre les deux cours d’eaux.

Ne raconte-t-on pas que le géant Roland, traversant de part et d’autre et gêné par une pierre dans sa botte, ôte celle-ci, la secoue…et la pierre se fiche dans la plaine d’Argentat. De savants érudits prétendent qu’il s’agit d’un menhir…

Mais doucement, voici Graffeuille, sa gabare touristique qui berce d’histoires des générations de touristes, à l’écoute de l’épopée des gabariers.

Embarqués dans la gabare, embarqués dans l’aventure, nous poursuivons.

Le château du Gibanel se mire, profitant de la confluence des deux cours qui se rejoignent dans le plan d’eau du barrage du Sablier. Ce fort contrôle le passage sur le pont du Doustre, dominé jadis par les seigneurs de Combarel.

Le Sablier…ou dernier des cinq grands barrages hydrauliques de ce fleuve mythique.

Chemin faisant, suivant le fleuve.

Le parcours quitte les gorges, s’ouvre dans la plaine. Argentat en profite pour étaler ses demeures ancestrales, témoins de l’activité des gabariers antan.

Ne nous retournons surtout pas !

Les impressions gravent la mémoire, la mémoire suscite l’émotion.

Ce soir, nous nous remémorerons les paysages, les villages, les scènes, yeux clos et tête pleine !

La magie aura agi, l’effet sera intact. Sans doute prêt pour de nouvelles découvertes, mais jamais rassasié de perceptions nouvelles.

Chemin faisant, suivant le fleuve.

Mais…Une question subsiste : si ce chemin n’existe pas, quelle voie avons-nous donc emprunté ?

C’est la tienne, ô fleuve !

Qui se décline d’amont vers l’aval.

Mystérieuse,

Majestueuse,

Impérieuse… Dordogne !

 Frédéric PESTEIL